lundi 26 janvier 2009

Chronique : Animal Collective - Merriweather Post Pavilion (2009)

Originaires de Baltimore, les membres d'Animal Collective sont basés à New York depuis 2000, année de sortie de leur premier album. Longtemps constitué en quatuor, le groupe s'est resserré sur trois membres : Avey Tare (David Portner), Panda Bear (Noah Lennox) et Geologist (Brian Weitz).
Il faut bien l'avouer : jusqu'ici, on n'avait pas du tout suivi l'affaire Animal Collective. Des rumeurs de plus en plus insistantes évoquaient un groupe capable de ré-enchanter la pop, par ses délires et ses expérimentations. Rien de moins ! A la sortie de Merriweather Post Pavilion, neuvième album en date, la blogosphère s'est enflammée et a crié au miracle. Pitchfork a même attribué au disque la prestigieuse note de 9.6... Il est donc grand temps d'écouter "le premier chef d'oeuvre pop de 2009", selon l'unanime critique.
Difficile de décrire la musique proposée ici par Animal Collective. De format pop (les morceaux durent environs cinq minutes), les chansons sont constituées de trames électroniques diverses. Pour chaque morceau, plusieurs motifs s'entremêlent, se répètent, s'imbriquent, avec une apparente facilité, qui cache un art consommé. Bruits de fond, crachottements, bips-bips, traits de synthétiseurs, nappes, rythmiques, basses, tous ces éléments finissent par former une chatoyante matière sonore, dont chaque grain est lui même agité de soubressauts, de variations, de ressacs...Ecoute après écoute, les morceaux restent toujours aussi surprenants et gardent intacte leur part de mystère : chaque titre est un kaléidoscope.
Au delà de ces irisations, les chansons de cet album tirent toute leur force de deux éléments : les voix et les rythmes. Portner et Lennox semblent s'être proposé pour étrange défi de sonner commes les Beach Boys du futur. Les voix des deux hommes, soumises à un nombre impressionnnant de traitements, coupées, collées, modifiées en écho, finissent par produire de superbes harmonies vocales ; les rythmes, eux, imposent avec subtilité une ambiance tribale.
Il ne faut surtout pas réduire Merriweather Post Pavilion à son extraordinaire dernier morceau, "Brothersport". Cela fait bien longtemps que la pop n'avait pas proposé un morceau d'une allégresse aussi totale, quasi enfantine. Ce titre parfait, aux rythmiques chipées au meilleur de la musique afro-brésilienne, risque de cacher le disque. "My Girls" pourrait lui aussi concourir au titre de morceau favori. Ici, qu'avons nous ? des basses joufflues, des roulements de tambours, des mains qui claquent, des sonorités synthétiques qui tournoient comme une roue de Catherine , un mille-feuilles de vocaux. Plus loin, "Summertime Clothes" voit son début noisy s'adoucir à la faveur d'un refrain naïf, et "Daily Routine" propose un intermède planant bienvenu.
Cependant, malgré ses qualités, Merriweather Post Pavilion n'est pas un album parfait. Le dernier tiers de l'album finit par lasser (jusqu'à ce que le collectif lance "Brothersport"), certaines chansons sont grevées par de fausses bonnes idées (la guimbarde-didgeridoo de "Lion In A Coma"). Plus paradoxalement, malgré l'aspect foisonnant des morceaux, l'album manque, lui, de variété. Très cohérent, le disque prend le risque de présenter une façade trop unie, sans respirations. On est loin de tenir ici le chef d'oeuvre tant vanté dans d'autres colonnes.
Peu importe, après tout. Avec Merriweather Post Pavilion, Animal Collective trace de nouveaux chemins pour la pop (on pense parfois à ce qu'on pu faire les Talking Heads avec Remain In Light). Surtout, malgré l'extraordinaire travail sur les voix et les rythmes, malgré la facture pointilliste des morceaux, proches de la mosaïque sonore, malgré toute cette science, il se dégage une joie instinctive de ce disque. C'est cela qui est inouï.

Mr.Pop

(http://www.myspace.com/animalcollectivetheband)

Tracklisting :

1. In The Flowers – 5:22
2. My Girls – 3:40
3. Also Frightened – 5:14
4. Summertime Clothes – 4:30
5. Daily Routine – 5:46
6. Bluish – 5:13
7. Guy's Eyes – 4:30
8. Taste – 3:53
9. Lion In a Coma – 4:12
10. No More Runnin' – 4:23
11. Brother Sport – 5:59


le lien deezer :
http://www.deezer.com/en/index.php?incr=1#music/animal-collective/merriweather-post-pavilion-401359


3 commentaires:

  1. Très belle critique. Tu as réussi le tour de force de mettre en mots la musique assez déconcertante d'Animal Collective. Je suis d'accord avec toi: le disque manque de variété, d'autant plus qu'il est assez long. Mais il y a de jolies pépites. Mon titre préféré est "My Girls", qui est, à mon avis, le morceau le plus "catchy" de l'ensemble.

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  2. Merci pour le compliment, nazca67 ! Cela fait plaisir ! Quand à l'album , malgré ses défauts (un peu longuet, un peu monotone), je persiste à croire qu'il s'agit là d'un très bon disque. Le travail sur le son est ébouriffant, l'ensemble est très inventif... Et puis, c'est vrai, il y a "My Girls" et "Brothersport", deux morceaux d'une allégresse totale. J'ai lu une chronique de l'album sur le net : le type indiquait que ses enfants (agés de trois ans...) dansaient sur Animal Collective. Pas étonnant. Il y a un truc sur "My Girls" et "Brothersport" : le cerveau se déconnecte, on à l'impression d'entendre une sorte de pop tribale...

    Mr. Pop

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  3. Je pensais que je me lasserais assez vite de cet album, comme cela arrive parfois avec les chouchous de la presse rock, aussi rapidement oubliés qu'il ont été encensés (je pense, par exemple, à LCD Soundsystem, dont j'avais bien aimé le dernier album à sa sortie et que je n'ai absolument plus envie d'écouter maintenant). Et là, je suis en mesure de confirmer qu'on est face à un très grand album. Je ne me fatigue pas de son écoute. Je reviens sur le qualificatif de "monotone"; je le remplacerais par "homogène" ou "cohérent", qui est plus positif. Je m'avance sûrement, mais j'ai l'impression que Brian Wilson, s'il avait pu disposer de la même technologie que la nôtre, n'aurait pas sorti un album bien différent en 1966/67... Il n'y a rien à jeter: l'ensemble est parfait. Et c'est dit de la part d'un mec qui nourrit plutôt une méfiance profonde vis-à-vis de l'électro... J'aime plutôt le rock à guitares, mais là je m'incline.

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