mardi 11 novembre 2008

Oldies But Goodies : The Stooges - Raw Power (1973)

Dernier volet de notre tryptique consacré aux indispensables Stooges (commencé ici et ). On avait laissé le groupe à l'agonie, splittant en juillet 1971.
Pourtant alors que personne n'y croyait plus (et certainement pas les médias de l'époque qui à de rares exceptions ont toujours au mieux détesté le groupe), une rencontre va bouleverser de manière irrémédiable non seulement la vie des Stooges mais aussi changer à jamais l'histoire du rock. En effet, lors d'une soirée organisée au Max's Kansas City par sa nouvelle maison de disque RCA, la nouvelle coqueluche du rock anglais David Bowie himself souhaite rencontrer Iggy Pop! Bowie en grand connaisseur de l'underground est un fan absolu des Stooges... Cette rencontre scellera une amitié fluctuante mais jamais démentie entre les deux hommes. Bowie va inciter Iggy Pop a prendre son propre manager, Tony DeFries et à aller en cure de désintox. Une fois Iggy remis sur pied, DeFries s'arrange pour dégoter à Iggy un contrat chez CBS pour deux nouveaux albums... des Stooges !
L'Iguane fréquente assidûment un junkie comme lui, guitariste doué de surcroît, James Williamson, sorte d'anti-thèse de Ron Asheton.
En mars 1972, Iggy et James s'envolent pour Londres afin de répéter et d'enregistrer. Néanmoins après moult essais de musiciens, Iggy se résout à appeler Ron et Scott Asheton, qui acceptent malgré l'humiliation de venir... Pour Ron, l'humiliation sera porté à son comble quand il apprend qu'il devra prendre la basse...
Pour parfaire la situation, des dissenssions apparaissent sur la production de l'album que DeFries souhaite confier à Bowie ce qu'Iggy refuse. Finalement, Bowie mixera et Iggy produira.
De là découlera la plus grande polémique de l'histoire du rock, Bowie mixera l'album en écrasant la basse et la batterie des pauvres frêres Asheton, ne laissant en avant que la guitare de Williamson et la voix d'Iggy mixée tout en aigus... Le résultat est un disque acéré, violent et glacial qui sonne comme jamais rien d'entendu jusqu'alors. La polémique sur la qualité du mixage reprendra en 1997 quand Iggy décide de remixer l'album et de le faire sonner "plus chaud" remettant basse et batterie à leur juste place : il en ressort un album inouï, d'une puissance jamais égalée, un sentiment de liberté inconnu à l'écoute d'un disque de rock'n'roll primal.
On ne va pas céder à notre tour à la polémique mais on dira que l'on préfère artistiquement le mix d'Iggy mais qu'historiquement le mix de Bowie est essentiel car il traumatisera des légions de musiciens en herbe.
Durant l'enregistrement, des tensions se font également jour entre Iggy et DeFries, ce dernier écartant bon nombre de morceaux. Finalement l'album en comportera huit. Mais quels morceaux...
Après un premier album de garage-rock ultime et un disque de ce que l'on appelera du free-punk, les Stooges créé le disque de rock définitif! Pour la première fois le groupe propose des morceaux construits de façon plus classique (et non sur des variations de riff ou de beat comme sur les précédents) mais le tout porté à incandescence, à son paroxysme...
"Search & Destroy" qui ouvre l'album est bâti sur un riff tellurique où l'Iguane déclame ses paroles malsaines : I'm the street walkin' cheetah with a heart full of napalm / I'm a runaway son of a nuclear bomb / I'm a world's forgotten boy. Le morceau donne le ton et met dès les premiers accords l'auditeur à genoux.
"Gimme Danger" où Iggy se fait crooner mais un crooner décadent (There's nothing in my dreams / just some ugly memories), voit Williamson lacérer littéralement le morceau alors que les frères Asheton propose une assise rythmique carrée...
"Your Pretty Face Is Going To Hell" est un pur morceau de rock'n roll fifties joué tout en puissance, annonçant finalement les déflagrations de Motörhead...
Sur "Penetration" (où le mix d'Iggy laisse apparaitre quelques accords bienvenus de piano), l'Iguane propose des paroles d'une toxicité sans nom sur une ambiance malsaine au possible : Penetrate, Penetrate me, so fine, so fine, so fine / I get excited, I get excited, I'm alone, so fine, I'm alive /Every night in town, Every night in town, I'm going down, I'm going down, pulsating...
"Raw Power" et son martèlement de piano, l'un des cheval de bataille du groupe sur terre permet, s'il on peut dire, de se remettre un peu de nos émotions (Raw Power can destroy a man / Raw power is more than soul / Has got a son called rock and roll) tout comme "I need Somebody" plus psychédélique.
"Shake Appeal" à la rythmique tournoyante rappelle Fun House et semble être la réponse blanche au Sex Machine de James Brown.
L'album s'achève sur le bien nommé "Death Trip", six minutes d'averse de guitare qui finit de laisser l'auditeur exsangue...
Ce disque est une merveille comme les autres mais avec quelque chose à la fois de foncièrement différent : il s'agit sans doute du plus grand disque de rock jamais enregistré car le groupe a réussi à capter sur ces 8 pistes l'essence même du rock'n roll, dans ce qu'il a de plus beau, le pressant pour en faire ressortir tous les sucs, avec la même énergie et le même esprit de liberté qui étreignaient les pionniers du rock.
A sa sortie, et pour la première fois, la presse est unanime. Lester Bangs, qui a toujours défendu le groupe parlera même de "heavy metal, expression galvaudée qui aurait dû être créé pour cet album".
Honey we're going down in history chantait Iggy dans "Death Trip"... Las l'histoire finira par se répéter : tensions entre les membres, drogues et excès en tout genre auront raison une nouvelle fois des Stooges qui en 3 albums auront finalement à la fois tout créés et tout enterrés.
1976 : le groupe splitte une nouvelle fois... Pour Iggy une nouvelle carrière commence, faîte de gloire et de déchéance, un éternel Stooges en somme, mais c'est une autre histoire...

Il faudra attendre 2003 et l'album "Skull Ring" d'Iggy Pop pour voir les frères Asheton et Iggy rejouer ensemble. 2007 sera l'année de la reformation avec un album "Weiderness" digne à défaut d'être magnifique. Mais le plaisir est ailleurs car sur scène les Stooges sont toujours eux mêmes, d'éternels voyous, nos losers magnifiques, et on les aime pour ça !

(Mr Rock)

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