lundi 7 juillet 2008

Oldies but Goodies : My Bloody Valentine - Loveless (1991)

L'arlésienne du rock porte un nom : My Bloody Valentine ! Auteur de l'album mythique Loveless, le groupe d'origine revient enfin cette année après vingt ans d'absence ... En dehors de quelques collaborations, dont une avec Sophia Coppola pour la B.O. Du film Lost in Translation, et une participation à la production de Primal Scream, groupe-frère du label Creation, le leader du groupe camé / neurasthénique / en panne d'inspiration Kevin Shields (rayez la mention inutile, s'il y en a bien une ...) ne s'est jamais totalement remis de la conception de son album à la pochette rouge.
C'est l'occasion rêvée de redécouvrir ce classique absolu du rock indé, d'autant que le leader du groupe, Kevin Shields a annoncé comme seul nouveau projet pour My Bloody Valentine un album hommage au presque aussi mythique Pornography de Cure.
Loveless ne ressemble à rien de connu, et constitue pourtant le manifeste définitif de ce qu'on a appelé la noisy-pop. En effet, décidé à faire reculer le mur du son bien plus loin que ses contemporains Jesus & Mary Chain, My Bloody Valentine génère des sonorités totalement saturées, parfois carrément désaccordées, tout en parvenant à conserver des mélodies éthérées à la Cocteau Twins, grâce à la production de l'album qui laisse toute sa place aux vocaux féminins de Bilinda Butcher (c'est son arrivée dans le groupe ainsi que celle de la bassiste Debbi Googe qui définira l'orientation musicale finale du groupe).
« Only Shallow » donne le ton de l'album : un son lourd et lent portant la voix fragile de la chanteuse, égarée dans un océan électrique de guitares hargneuses. « Loomer » dévoile pour la première fois des guitares désaccordées envahissantes, laissant très peu d'espace sonore à la voix de Bilinda Butcher. Le troublant intermède « new-age » de 56 secondes « Touched » et le morceau suivant « To Here Knows When » renforcent l'impression d'analogie avec le milieu marin, sonnant comme le calme avant la tempête : le quatrième morceau a beau être lent et calme, il n'en est pas moins couvert de grésillements électriques et de ronronnements inquiétants, qui ne semblent être contenus que par une ligne mélodique réduite à une boucle de sample discrète, mais omniprésente ... « To Here Knows When » s'achève par une autre boucle répétitive seule, laissant penser que la mélodie, bien que binaire, l'a emporté sur le chaos.
Il n'en est évidemment rien, puisque le rugissement des guitares introduit l'un des meilleurs morceaux de l'album, le bien nommé « When you Sleep », totalement électrisé, où le chant du duo Butcher/Shields et le son perturbé des instruments légèrement désaccordés semblent le fruit d'un sommeil profond mais troublé. Guitares et sample se rejoignent à nouveau sur « I Only Said » , et les distorsions électriques se font plus présentes : cette fois, le disque est tout bonnement rayé (?), les voix sont plus difficilement audibles et la boucle mélodique du sample devient obsessionnelle. Le morceau finit de définir l'univers musical de My Bloody Valentine, et permet enfin à l'auditeur d'apprécier pleinement les cinq derniers morceaux de l'album.
« Come in Alone » impose ses guitares qui font enfin jeu égal avec la voix de Bilinda Blutcher : le rythme est toujours lent, mais le morceau dégage pourtant une sensation de puissance due à une assise rythmique au marteau-pilon générée à la fois par les guitares, la basse et les percussions. Le deuxième point culminant de l'album se nomme « Sometimes » : l'un des morceaux les plus sobres de Loveless (une voix, une guitare, un synthé) s'impose par sa seule mélodie, prouvant la capacité qu'a My Bloody Valentine de produire de surprenants résultats avec un minimum d'effets. « Blown a Wish » mise tout sur les choeurs féminins, les transformant en un entêtant chant des sirènes (toujours cette fichue analogie maritime ...) : de nouveau, cela permet à l'auditeur de se remettre de ses émotions ... ce qui laisse présager de nouveau une suite bien moins apaisée.
Les deux morceaux clôturant l'album font évoquent une sortie sur le dance-floor effectuée quelques minutes avant l'apocalypse. Le confus « What you want », au rythme nettement accéléré et aux sons électriques saturés et gracieux à la fois, fait monter l'album en puissance : une composition irrésistible, à la fois dansante et désespérée. Mais ce morceau génial ne fait que préparer le point d'orgue de Loveless, le démentiel « Soon » qui évoque le mieux ce climat d'urgence et d'hédonisme : une ligne rythmique implacable associant à nouveau batterie, basse et boucle synthé, régulièrement traversée par des guitares rageuses, achèvent de laisser pantois, halluciné par l'écoute d'un album qui ne ressemble à rien de connu.
Car c'est bien tout l'enjeu que constitue l'écoute de Loveless : non content d'être le premier groupe à allier de façon élégante le chaos sonique et la mélodie pop, My Bloody Valentine est parvenu à constituer un album remarquablement construit, alternant la glace et le feu, embarquant celui qui l'écoute dans un déluge de sensations opposées, et cependant parfaitement harmonieuses.
Loveless est donc plus qu'un album : c'est une expérience unique réservée aux seuls amateurs de sensations fortes, indispensable à quiconque veut prétendre avoir écouté une fois dans sa vie quelque chose de différent.
C'est peu dire que d'affirmer que My Bloody Valentine n'a pas d'héritiers directs (au mieux des groupes plus ou moins inspirés), ce qui rend d'autant plus nécessaire la découverte de cet objet unique dans une discothèque qu'est Loveless.
(Mr Indie)

Site myspace du groupe :
(http://www.myspace.com/mybloodyvalentine)

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